Potin (sss)
La salle d'attente de la clinique d'esthétique du Sanctuaire est pleine de femmes à lunettes noires qui font semblant de ne pas voir qu'il y a plein d'autres femmes à lunettes noires.
Marc Messier ressemble à mon père. En infiniment plus drôle, plus tendre, plus affectueux.
Israël vient à nouveau de prendre le Liban en otage. Le Liban est la nouvelle Pologne. Tout le monde va se battre chez eux.
Vendredi dernier, il y avait dans mon jardin l'actrice la mieux payée du cinéma français. Comment s'est-elle retrouvée chez moi? Longue histoire mais le monde est vraiment tout petit, c'est Paul Auster qui serait content.
Elle est charmante, mère poule, franchement plus jolie "live", elle préfère le rouge au blanc et ce n'est pas elle le centre de l'histoire mais son mari. Il serait content de savoir qu'il est le centre de l'histoire, ça ne lui arrive pas souvent.
Beau gosse pour un français. Qui parle fort et sans l'ombre d'un doute dans la voix.
Ah bon, il a fait un film? Qui n'a pas marché? Et depuis? Elle le fait vivre...
Ah. Voilà qui explique bien des choses.
Bien sûr pour un mec, parisien en plus, épouse au foyer ça ne se dit pas. Non, il est "en recherche de financement pour son prochain long" (les français ne disent pas film, ils disent un long, ils ne disent pas scénario, ils disent scénar, il arrive que les français fassent chier. Je le sais, j'en ai déjà épousé un dans un moment d'égarement).
Donc, il parle. Sans remarquer la table festive, le homard des îles, le beurre citronné aux herbes fraîches, le ceviche de pétoncles à se rouler par terre, l'aligoté bien frais, la douceur de la nuit, la divine compagnie. Tout ça lui passe dix pieds, que dis-je, cent pieds au dessus de la tête tellement ce beau grand garçon qui a tout pour lui a besoin d'exister.
Il ne voit pas non plus sa fille qui s'est faite copine avec Belle Fille. Il ne remarque pas le miracle de ces deux gamines, la blonde canadienne anglaise et la brune parisienne, qui jouent à Scategories. Sans adultes! Et qui nous foutent une paix royale qui nous permet de boire encore plus d'Aligoté sans même se sentir coupables puisqu'elles ont un fun noir.
Beau Gosse ne voit rien de tout ça.
Sa femme s'efface, le met en avant, lui offre la lumière dont il a tant besoin. Elle lui laisse toute la place qu'il n'a pas à ses côtés dans la vie publique. Elle minimise les compliments qu'elle reçoit, la reconnaissance de son talent. Elle s'excuse presque de son succès. J'ai une petite mélancolie. Ça prend un homme fort pour être à côté d'une femme qui rayonne. Et les hommes forts ne courent pas les rues...
Quand même, je compatis. Avec elle. Avec lui. Jusque là, je me dis encore "pauvre garçon".
Et puis, entre deux pattes de homard, ce con se met à parler d'Israël, des juifs et d'antisémitisme avec la rage d'un Che Guevara de salon, l'indignation vertueuse de celui qui n'a ni mis les pieds en Israël, ni vu de ses yeux les camps de réfugiés palestiniens. Les mêmes qui condamnent Zidane parce qu'il n'est pas un exemple pour les enfants.
Beau Gosse ne sait pas de quoi il parle lui qui vit dans un appartement somptueux du 6ème mais il parle quand même. Un peu plus, il ferait des effets de toge comme s'il était procureur en chef à Nuremberg. Son discours relève du sionisme pour les nuls. "Nous avons mis les juifs dans les trains"!
Euh. L'Holocauste, c'était vingt ans avant qu'il naisse. Et moi, je n'ai mis personne dans un train, à part mon fils une fois mais c'était le train de banlieue qui va à St-Constant. Ai-je besoin de spécifier que je considère l'Holocauste comme une monstruosité abominable? Non, hein. Vous aviez compris, c'est bien ce qui me semblait.
Tout le monde autour de la table était d'ailleurs parfaitement d'accord sur ce point. Là, n'était pas la question. Mais nous avions aussi un convive directement concerné par le génocide rwandais, un Cree et une hôtesse (moi) de plus en plus excédée. Ça doit être mon sale caractère espagnol, hérité de mes ancêtres génocidaires de tous les indiens des Amériques.
Je trouve qu'il n'y a pas de hiérarchie dans la souffrance. Un orphelin qui pleure, c'est un orphelin qui pleure. I rest my case.
Parlant d'indien, notre Cree s'énerve. Beau gosse devient vindicatif. La tension monte. Ça dégénère. Tout le monde est mal, surtout les filles.
Bon. C'est pas "qu'on ne peut plus discuter". C'est pas qu'il y a des tabous. C'est pas non plus qu'on doit se conformer aux règles du politiquement correct.
C'est pas ça du tout.
La vérité, c'est qu'on ne s'engueule pas à ma table en mangeant du homard, putain! Si vous voulez vous battre, allez au McDo!
Le lendemain, il a quand même téléphoné pour s'excuser. Il avait passé une excellente soirée (!?!). Il a bon coeur au fond. Et puis, le pauvre, c'est quand même pas de sa faute s'il est français.
Marc Messier ressemble à mon père. En infiniment plus drôle, plus tendre, plus affectueux.
Israël vient à nouveau de prendre le Liban en otage. Le Liban est la nouvelle Pologne. Tout le monde va se battre chez eux.
***
Vendredi dernier, il y avait dans mon jardin l'actrice la mieux payée du cinéma français. Comment s'est-elle retrouvée chez moi? Longue histoire mais le monde est vraiment tout petit, c'est Paul Auster qui serait content.
Elle est charmante, mère poule, franchement plus jolie "live", elle préfère le rouge au blanc et ce n'est pas elle le centre de l'histoire mais son mari. Il serait content de savoir qu'il est le centre de l'histoire, ça ne lui arrive pas souvent.
Beau gosse pour un français. Qui parle fort et sans l'ombre d'un doute dans la voix.
Ah bon, il a fait un film? Qui n'a pas marché? Et depuis? Elle le fait vivre...
Ah. Voilà qui explique bien des choses.
Bien sûr pour un mec, parisien en plus, épouse au foyer ça ne se dit pas. Non, il est "en recherche de financement pour son prochain long" (les français ne disent pas film, ils disent un long, ils ne disent pas scénario, ils disent scénar, il arrive que les français fassent chier. Je le sais, j'en ai déjà épousé un dans un moment d'égarement).
Donc, il parle. Sans remarquer la table festive, le homard des îles, le beurre citronné aux herbes fraîches, le ceviche de pétoncles à se rouler par terre, l'aligoté bien frais, la douceur de la nuit, la divine compagnie. Tout ça lui passe dix pieds, que dis-je, cent pieds au dessus de la tête tellement ce beau grand garçon qui a tout pour lui a besoin d'exister.
Il ne voit pas non plus sa fille qui s'est faite copine avec Belle Fille. Il ne remarque pas le miracle de ces deux gamines, la blonde canadienne anglaise et la brune parisienne, qui jouent à Scategories. Sans adultes! Et qui nous foutent une paix royale qui nous permet de boire encore plus d'Aligoté sans même se sentir coupables puisqu'elles ont un fun noir.
Beau Gosse ne voit rien de tout ça.
Sa femme s'efface, le met en avant, lui offre la lumière dont il a tant besoin. Elle lui laisse toute la place qu'il n'a pas à ses côtés dans la vie publique. Elle minimise les compliments qu'elle reçoit, la reconnaissance de son talent. Elle s'excuse presque de son succès. J'ai une petite mélancolie. Ça prend un homme fort pour être à côté d'une femme qui rayonne. Et les hommes forts ne courent pas les rues...
Quand même, je compatis. Avec elle. Avec lui. Jusque là, je me dis encore "pauvre garçon".
Et puis, entre deux pattes de homard, ce con se met à parler d'Israël, des juifs et d'antisémitisme avec la rage d'un Che Guevara de salon, l'indignation vertueuse de celui qui n'a ni mis les pieds en Israël, ni vu de ses yeux les camps de réfugiés palestiniens. Les mêmes qui condamnent Zidane parce qu'il n'est pas un exemple pour les enfants.
Beau Gosse ne sait pas de quoi il parle lui qui vit dans un appartement somptueux du 6ème mais il parle quand même. Un peu plus, il ferait des effets de toge comme s'il était procureur en chef à Nuremberg. Son discours relève du sionisme pour les nuls. "Nous avons mis les juifs dans les trains"!
Euh. L'Holocauste, c'était vingt ans avant qu'il naisse. Et moi, je n'ai mis personne dans un train, à part mon fils une fois mais c'était le train de banlieue qui va à St-Constant. Ai-je besoin de spécifier que je considère l'Holocauste comme une monstruosité abominable? Non, hein. Vous aviez compris, c'est bien ce qui me semblait.
Tout le monde autour de la table était d'ailleurs parfaitement d'accord sur ce point. Là, n'était pas la question. Mais nous avions aussi un convive directement concerné par le génocide rwandais, un Cree et une hôtesse (moi) de plus en plus excédée. Ça doit être mon sale caractère espagnol, hérité de mes ancêtres génocidaires de tous les indiens des Amériques.
Je trouve qu'il n'y a pas de hiérarchie dans la souffrance. Un orphelin qui pleure, c'est un orphelin qui pleure. I rest my case.
Parlant d'indien, notre Cree s'énerve. Beau gosse devient vindicatif. La tension monte. Ça dégénère. Tout le monde est mal, surtout les filles.
Bon. C'est pas "qu'on ne peut plus discuter". C'est pas qu'il y a des tabous. C'est pas non plus qu'on doit se conformer aux règles du politiquement correct.
C'est pas ça du tout.
La vérité, c'est qu'on ne s'engueule pas à ma table en mangeant du homard, putain! Si vous voulez vous battre, allez au McDo!
***
Le lendemain, il a quand même téléphoné pour s'excuser. Il avait passé une excellente soirée (!?!). Il a bon coeur au fond. Et puis, le pauvre, c'est quand même pas de sa faute s'il est français.
<< Home